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Collaboration SOLEIL/CEA - Nouvelle grande première sur la ligne MARS : caractérisation d’un combustible nucléaire par absorption X

Début juin 2021, des chercheurs du CEA de Cadarache et de la ligne MARS ont étudié la chimie d’une section transverse de combustible nucléaire irradié en réacteur, en utilisant la spectroscopie d’absorption des rayons X. Une autre technique, la diffraction X, avait été utilisée sur le même type d’échantillon fin 2018.

Seul synchrotron capable de recevoir de tels échantillons massifs, très irradiants et contaminants, SOLEIL offre donc de plus, à présent, la possibilité de combiner les techniques pour les analyser. Il s’agit de l’aboutissement d’une collaboration entre le CEA et SOLEIL initiée il y a plus de 15 ans, visant à concevoir une ligne de lumière sur laquelle il est possible d’étudier un tronçon de combustible nucléaire dans sa gaine.

Faisant suite à l’expérience de diffraction menée en novembre 2018, c’est cette fois par spectroscopie d’absorption X (SAX) qu’un échantillon massif de combustible d’oxyde d’uranium, irradié 5 ans dans un réacteur de la centrale EDF de Gravelines, a pu être analysé sur la ligne de lumière MARS à SOLEIL.

L’objet analysé est un échantillon de combustible UO2 de quelques milligrammes*, d’une épaisseur moyenne de 50 µm. Il représente une section transverse complète d’un crayon de combustible nucléaire tel qu’il est exploité dans les réacteurs à eau pressurisée français : UO2 enrichi à 4,48 % en 235U irradié en réacteur et refroidi pendant 25 ans. Jusqu’à présent, les équipements existants de par le monde ne permettaient d’étudier que quelques grains de poudre ou quelques fragments.

Figure 1 : L’échantillon est préparé à partir d’un crayon de combustible (1 cm de diamètre / 4 mètres de long, schéma d’un tronçon à gauche), les chercheurs ont réalisé une tranche du combustible (milieu) et diverses opérations de préparation pour arriver à une lamelle de quelques milligrammes, d’une épaisseur de 50 µm et une largeur de 1 mm (les 2 photos à droite). © CEA

Ces résultats, en donnant des informations sur l’état chimique des produits de fissions (éléments issus de la fission de l’uranium) viendront compléter les données de diffraction X précédemment obtenues, qui permettent quant à elles d’accéder à l’organisation structurale du combustible à l’échelle atomique et l’évolution locale de cette organisation au sein même d’une pastille. De telles caractérisations contribueront à identifier les mécanismes physiques en jeu au sein du combustible afin de les prendre en compte dans la modélisation, et ainsi, de mieux prédire l’évolution de son comportement sous irradiation.

Tout comme les expériences de diffraction en 2018, cette caractérisation par absorption X d’un échantillon massif de combustible, très irradiant et contaminant, fait de cette expérience une première mondiale sur synchrotron.

L’équipe impliquée dans ces expériences de spectroscopie d’absorption. De gauche à droite : Myrtille Hunault, scientifique sur la ligne MARS, Morgane Rochedy, doctorante au CEA Cadarache, Pier-Lorenzo Solari, responsable de la ligne MARS, Vincent Klosek et Jean Noirot, chercheurs au CEA Cadarache. Sandrine Schlutig, chercheuse au CEA Cadarache, est absente de la photo.

MARS, une ligne de lumière adaptée à la réception de matériaux irradiants

Ce succès est le fruit d’une collaboration entre les équipes du CEA à Cadarache (13) et à Saclay (91) et de SOLEIL (91). Pour répondre à ses besoins, le CEA souhaitait, dès les années 2000, pouvoir bénéficier d’une ligne de lumière « chaude » sur un synchrotron susceptible de recevoir des matériaux irradiants et contaminants. Depuis la construction du synchrotron, les équipes du CEA et de SOLEIL ont investi et travaillé de concert pour construire et adapter les équipements de la ligne de lumière MARS (« Multi-Analyses on Radioactive Samples »).

Les expériences de diffraction X avaient nécessité :

  • la conception d’une protection biologique mobile pour transporter et permettre l’accostage de l’échantillon radioactif sur le poste d’analyse de la ligne MARS sans que les utilisateurs ne soient exposés aux radiations ;
  • la préparation d’un échantillon massif de combustible selon les spécifications requises ;
  • l’obtention de l’autorisation de l’Autorité de Sûreté Nucléaire ;
  • la sortie de cet échantillon massif du laboratoire chaud (LECA-STAR) en respectant les critères de propreté radiologique.


Depuis 2018, une étape supplémentaire a été franchie : un second blindage, adapté cette fois aux instruments de mesures d’absorption X, a été développé. Installé sur le poste d’absorption de la ligne MARS en 2020, il permet d’assurer une protection aux radiations aussi efficace que celui adapté aux équipements de diffraction X, et donc d’accueillir les mêmes types d’échantillons.

SOLEIL, avec sa ligne MARS, est actuellement le seul synchrotron au monde à posséder ces capacités couplées d’analyse diffraction/absorption X pour la communauté scientifique des matériaux du nucléaire, parmi laquelle les équipes du CEA, qui auront un accès privilégié à la ligne MARS du fait des investissements réalisés dans ces équipements.

A gauche - dans la cabane d'expériences de la ligne MARS, Vincent Klosek transfère le porte-échantillon (contenant la tranche de combustible irradié) depuis son château de transport vers le poste d’analyse de l’échantillon par spectroscopie d’absorption.

A droite – Jean Noirot remet en place le bouchon en plomb sur le château de transport après le transfert du porte-échantillon.

* Jusqu’à présent, les équipements existants de par le monde ne permettent d’étudier que quelques grains de poudre. Un échantillon de quelques milligrammes constitue donc un échantillon massif pour les chercheurs.